Introduction
Nous sommes en 2025 après Jésus-Christ. Toute la France est occupée par des bâtiments faits de béton et de matériaux issus de la pétrochimie… Toute ? Non ! Un petit village d’irréductibles champcevinellois1 résiste encore et toujours à l’envahisseur en lançant le fou projet de construction d’un bâtiment à énergie positive : la cuisine commune. Il abritera la nouvelle cantine scolaire, sa cuisine et même la légumerie pour transformer les légumes du potager communal !
C’est qu’ils sont fous ces champcevinellois ! Et heureusement qu’il existe des irréductibles communes comme celle-ci, des communes qui s’engagent pour des constructions meilleures pour notre environnement et pour l’avenir, le bien-être et la santé de leurs habitants.

Et si l’élan peut sembler audacieux, il repose pourtant sur des choix réfléchis et rigoureux. Derrière cette aventure un peu folle se cache un projet très sérieux, exemplaire à bien des égards. Il se distingue par une architecture à la fois bioclimatique, biosourcée et performante. Conçu comme un bâtiment à énergie positive, il conjugue sobriété de conception, matériaux locaux, matériaux de réemploi et énergie renouvelable.
Les objectifs de la municipalité de Champcevinel sont multiples :
- offrir un cadre de vie de qualité aux enfants comme aux agents
- faire vivre le territoire et les emplois locaux
- être autonome tant dans les ressources alimentaires que dans les ressources énergétiques
- en respectant le territoire et son patrimoine
Au fil de cet article, vous découvrirez :
- Le contexte local et l’engagement de la commune,
- Qu’est-ce qu’un bâtiment à énergie positive,
- Comment intégrer la performance énergétique au coeur de la conception architecturale,
- Quels matériaux sont privilégiés dans cette construction bas carbone
- Ce que ce lieu apportera aux habitant·es de Champcevinel
Cette visite de projet fut organisée par Résonance Paille, Odéys et Fibois Nouvelle-Aquitaine.
Un projet pilote pour une commune écoresponsable
Champcevinel est une petite commune de 3000 habitants en périphérie de Périgueux. Malgré sa taille, elle est riche d’associations, d’activités et d’ambitions ! Lecture, Arpège, Théâtre, Multisports, école des sports, Gym,Football, Danse, Musculation, Pétanque, Tir à l’arc, Handball, Sports de raquettes, Yoga, Oenologie, Comité des fêtes, Anciens combattants, Chasse, Radio locale, Club de temps libre, Couture et patchwork, Ligue contre le cancer, Périgord Afrique développement, Enfants d’Ici, Enfants d’Ailleurs et Paroisse de Champcevinel, on ne sait pas s’ennuyer dans ce village d’irréductibles champcevinellois !
Le bien-être des habitants est assuré par la vie associative locale mais aussi par l’engagement environnemental des élus.
Depuis 5 ans, la commune possède son propre potager communal bio, ce qui permet à la cantine scolaire d’atteindre aujourd’hui près de 95% de produits bios dans les menus des écoliers. Elle est labellisée Ecocert de niveau 3 mention excellence et produit 400 repas/jour.
Le conseil municipal ne s’est pas arrêté là, il a décidé de lancer un appel à concours pour la création d’un nouveau bâtiment à énergie positive. L’objectif : construire un bâtiment à haute ambition environnementale permettant l’accueil du restaurant scolaire mais aussi de la légumerie et augmenter la production à 500 repas/jour.
Un défi sur mesure pour l’agence Dauphins Architecture qui n’en est pas à son premier bâtiment à énergie positive ! Pour réaliser ce projet, ils se sont entourés de bureaux d’études compétents et impliqués dans la performance énergétique et environnementale en choisissant ODETEC (BET Tout Corps d’Etat), ENERCO (Ingénieur conseil dans la performance énergétique et la qualité environnementale), EMACOUSTIC (BET Acoustique) et ECOTEN (Economiste).

Qu’est-ce qu’un bâtiment à énergie positive ?
Bâtiment à énergie positive, ça sonne bien, ça donne envie mais qu’est-ce que c’est ?? 🏗️
Un bâtiment à énergie positive, ou labellisé BEPOS, est une construction qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme sur une année. Son bilan énergétique entre les consommations et la production est positif, c’est pour cela qu’on lui attribue le terme de construction à énergie positive.
Cette performance est le fruit d’une conception bioclimatique intelligente, alliée à l’utilisation de matériaux performants et à l’intégration de sources d’énergie renouvelable comme les panneaux photovoltaïques.
Ainsi, un bâtiment à énergie positive n’est pas seulement efficient et peu énergivore, il est aussi producteur net d’énergie. C’est un modèle qui s’inscrit pleinement dans les enjeux de transition écologique et de résilience énergétique des territoires.

Et une maison à énergie positive, qu’est ce que c’est ? 🏡
La maison à énergie positive est construite sur le même principe qu’un bâtiment à énergie positive. C’est-à-dire que ce logement génère plus d’énergie qu’il n’en consomme. Les critères prennent en compte les besoins en chauffage, en eau chaude sanitaire, en éclairage et en ventilation.
On parle donc de maison à énergie positive dès lors que cet habitat est conçu dans l’objectif de :
- minimiser les besoins énergétiques
en choisissant la bonne orientation solaire, une isolation adaptée et une bonne étanchéité à l’air pour limiter les déperditions thermiques - tout en intégrant des systèmes de production d’énergie locale
avec l’installation de panneaux solaires, pompe à chaleur, panneaux rayonnants pour l’eau chaude, mini-éolienne, etc.
En quoi le projet de Champcevinel est-il exemplaire ? 🌿
Le projet de la cuisine commune de Champcevinel va même au-delà des standards réglementaires grâce à plusieurs choix forts et des exigences élevées dès l’appel d’offre de maîtrise d’oeuvre2 :
- Il vise le niveau E3C1 dans la démarche E+C- et l’équipe arrivera à un meilleur niveau E3C2
- E3 = recours significatif aux énergies renouvelables
- C2 = réduction maximale de l’empreinte carbone
- Il combine une conception bioclimatique soignée (orientation du bâtiment, ventilation naturelle, lumière naturelle) avec l’intégration de panneaux photovoltaïques.
Cela en fait un bâtiment à énergie positive et permet d’atteindre le niveau E3. - Il utilise des matériaux biosourcés et géosourcés (paille, bois local, BTC), et intègre du réemploi (radiateurs fonte, équipements).
Cela en fait une construction moins émissive d’émissions de gaz à effet de serre et donc une empreinte carbone réduite (sans compter l’emploi d’entreprises locales) ce qui permet d’atteindre le niveau C2.

Pour résumer, la démarche E+C- (pour Énergie Positive & Réduction Carbone) est un label expérimental lancé par l’État pour encourager la construction de bâtiments performants sur le plan énergétique et à faible impact carbone. Elle repose sur deux critères :
- C (Carbone) : évalue l’empreinte carbone du bâtiment tout au long de son cycle de vie (matériaux, chantier, usage, fin de vie). Le niveau C1 ou C2 traduit un effort important de réduction des émissions.
- E (Énergie) : mesure la performance énergétique du bâtiment. Le niveau E3 ou E4 correspond à un bâtiment qui consomme très peu d’énergie, voire qui en produit plus qu’il n’en consomme (bâtiment à énergie positive).
Ce projet est donc bien plus qu’un simple restaurant scolaire : c’est un bâtiment à énergie positive exemplaire dans le secteur public, qui montre qu’il est possible, même pour une petite commune, de concevoir durablement en limitant son impact environnemental.
Une conception énergétique optimisée
Choix de l’implantation📍et de l’orientation ☀️
La première chose à faire dans un projet de construction neuve, c’est choisir son implantation et son orientation. Malheureusement, la magnifique vue sur le paysage est au nord et le choix a été fait de tourner le bâtiment et la salle de restauration s’ouvrant sur une grande terrasse vers ce paysage dégagé. C’est une entrave aux principes de l’architecture bioclimatique où normalement la zone exposée au nord est limitée en ouvertures et sert de zone tampon mais cela n’empêche pas de retrouver l’application des autres piliers dans ce projet : la lumière naturelle et la ventilation naturelle croisée.

Installation optimisée de panneaux photovoltaïques 🔋
La toiture est découpée en plusieurs séquences à double pan, ce qui permet d’utiliser la moitié de la surface pour produire de l’électricité avec l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures en pente vers le sud. Cette toiture est donc conçue comme une réserve foncière pour permettre l’autoconsommation du bâtiment accompagnée d’une part de revente.

Mise en place de ventilation naturelle 🍃
Une bonne orientation des ouvertures permet de favoriser la ventilation traversante, notamment l’été : air frais entrant par l’est/nord, et sortant par l’ouest/sud. Cela améliore le confort d’été sans climatisation, et contribue à un rafraîchissement naturel.
De plus, le projet inclut la mise en place de sonde de température extérieur/intérieur, les volets roulants sont plus où moins ouverts pour limiter les surchauffes l’été et profiter des calories solaires l’hiver. Et d’une sonde carbone pour vérifier la qualité de l’air intérieur et prévenir les usagers lorsqu’ils doivent ventiler.
Bien sûr, cela nécessite un guide à l’intention des futurs usagers pour que la pratique de ventilation naturelle fonctionne. Mais cette combinaison frugale permet d’éviter de mettre une CTA (Centrale de Traitement d’Air).
La lumière naturelle ☀️
La lumière naturelle est au cœur de la conception du bâtiment. Grâce à de grandes baies vitrées et un patio central, les espaces de restauration bénéficient d’un apport solaire généreux en hiver, participant au confort thermique et à la sobriété énergétique du lieu.
Le patio central vient diffuser la lumière au cœur du bâtiment, créant des jeux d’ombre et de clarté tout au long de la journée, tout en assurant une ventilation naturelle transversale.
Ce dispositif renforce la qualité des ambiances intérieures, favorise le bien-être des usagers, et valorise les matériaux bruts comme le bois et la terre crue que l’on retrouve sur les colombages et qui réagissent particulièrement bien à la lumière du jour.

Optimisation de l’isolation 🌡️
Le bâtiment se décrit comme un grand carré et chaque façade faite en mur à ossature bois avec un remplissage en bottes de paille de 22 cm d’épaisseur, ce qui donne un total de 490 m2 de murs de paille.

La partie restaurant scolaire est en partie sur pilotis avec la terrasse et est réalisée en plancher bois avec une isolation en laine de bois.
Les plafonds sous rampant sont isolés en ouate de cellulose insufflée dans des caissons.
L’inertie du bâtiment est apportée par la grande dalle en béton de la partie cuisine et légumerie et la mise en place de colombages avec remplissage en briques de terre crue dans certaines circulations.
Chauffage efficace et économe 🔥
Pour les systèmes de chauffage, le choix est d’utiliser des radiateurs de réemploi en fonte couplés à une chaudière à bois. Ce chauffage ne servira qu’en appoint durant l’hiver. Malgré l’exposition nord, l’isolation performante permet de limiter fortement les besoins thermiques.
Enfin un dernier bonus de sobriété : après la performance énergétique, l’autoconsommation énergétique, la ventilation naturelle, l’énergie renouvelable et les matériaux biosourcés, le bâtiment récupère les eaux de pluie pour l’usage des sanitaires.
Des matériaux de construction écologiques pour un impact carbone minimal
Le choix des matériaux s’inscrit ici dans une logique de cohérence environnementale, à la fois sur le plan de la performance thermique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce qui permet d’atteindre un niveau maximal de réduction de l’empreinte carbone du bâtiment, le niveau C2.
Ces choix témoignent d’une volonté de faire appel à des ressources naturelles, renouvelables et peu transformées avec l’utilisation :
- Des matériaux biosourcés dans la structure
- le bâtiment est en partie en plancher bois, avec la terrasse en bois au nord
- toutes les façades sont en mur à ossature bois d’épicéa
- les charpentes sont en bois d’épicéa avec des caissons en bois pour l’isolation
- Des matériaux biosourcés et locaux dans les finitions extérieures
- les bardages en bois sont en tavaillons de châtaignier issu des forêt de Corrèze
Le châtaignier est un bois de classe 4, il peut donc être utilisé en extérieur sans y ajouter aucun traitement.
De plus, comme il vient d’une exploitation proche, il sera parfaitement adapté au climat du village et sera beaucoup plus durable qu’un bois importé.
- les bardages en bois sont en tavaillons de châtaignier issu des forêt de Corrèze
- Des matériaux biosourcés et locaux dans les menuiseries
- les menuiseries du restaurant scolaire sont toutes en chêne,
peintes en rouge à l’image de l’architecture du centre du village.
- les menuiseries du restaurant scolaire sont toutes en chêne,
- Des matériaux biosourcés et géosourcés dans certaines cloisons intérieures
- des colombages en chênes
- avec un remplissage en briques de terre comprimées
- Des matériaux biosourcés dans l’isolation
- l’isolation des murs à ossature bois en bottes de paille de 22 cm d’épaisseur
- l’isolation de la toiture en ouate de cellulose insufflée
- l’isolation du plancher bois en laine de bois
- Des matériaux issus du réemploi dans les cuisines
- les équipements professionnels et les gaines en inox de la cuisine scolaire
- les équipements professionnels et les gaines en inox de la cuisine scolaire
- Des matériaux issus du réemploi dans le chauffage et la ventilation
- les gaines de ventilation, la tuyauterie et les radiateurs en fonte
- les gaines de ventilation, la tuyauterie et les radiateurs en fonte
- Des matériaux issus du réemploi dans les sanitaires
- les équipements des sanitaires (wc, lavabos, accessoires, etc.)
- les équipements des sanitaires (wc, lavabos, accessoires, etc.)
- Des matériaux issus du recyclage dans les finitions
- la peinture utilisée pour les parois intérieures est une peinture recyclée
et elle est produite à Bordeaux
- la peinture utilisée pour les parois intérieures est une peinture recyclée
Nous retrouvons toujours une part de béton et une part de matériaux neufs, industriels et plus ou moins polluants mais leur impact est largement compensé par les autres matériaux décarbonnés.

Le réemploi d’équipements permet de limiter l’extraction de nouvelles ressources tout en donnant une seconde vie à des matériaux déjà amortis en carbone. Le cahier des charges pour les matériaux de réemploi était bien spécifique avec notamment une durée maximum d’utilisation de 5 ans.

Un lieu fonctionnel et ancré dans son territoire
Au-delà de ses qualités environnementales, ce bâtiment est avant tout un lieu de vie, d’accueil et de transmission. La mairie de Champcevinel avait déjà choisie une parcelle stratégique, à la croisée du coeur du centre bourg et du tissu urbain pavillonnaire.
La commune fait vivre le réseau de maraîchers locaux bio ou en conversion bio et son potager communal bio. Avec 10 000 m2 de cultures bio en régie, cela lui permet d’être en autonomie alimentaire et à 94% bio pour ses pensionnaires.
Pensé pour assurer la préparation de 500 repas par jour, le bâtiment intègre une légumerie permettant de transformer les légumes produits localement, renforçant le lien entre alimentation, territoire et autonomie communale.

Les espaces intérieurs, baignés de lumière et habillés de matériaux chaleureux, créent une ambiance saine et apaisante pour les enfants comme pour les agents.
La terrasse couverte ouvrant sur le paysage, les parcours lisibles et la qualité thermique passive contribuent à un confort d’usage quotidien, sans artifice technologique.
Ce bâtiment à énergie positive est donc exemplaire non seulement en chiffres, mais aussi dans sa manière d’accueillir, de nourrir, et de relier les habitants à leur environnement.

Conclusion
Le projet de la cuisine commune de Champcevinel incarne une approche globale de sobriété, aussi bien énergétique que matérielle. Grâce à l’utilisation de principes de conception bioclimatique, de matériaux biosourcés et locaux, et un recours raisonné aux énergies renouvelables, ce bâtiment à énergie positive s’impose comme un exemple concret de transition écologique appliquée à l’échelle communale.
Ce restaurant scolaire n’est pas seulement un lieu fonctionnel : c’est un bâtiment engagé, ancré dans son territoire, pensé pour les enfants, les agents et les générations futures. Il prouve qu’il est possible de construire autrement, avec moins d’impact, mais plus de sens.

Merci à vous d’avoir lu cet article ! 🌿
À venir très bientôt sur le blog :
- D’autres exemples de bâtiment à énergie positive,
- Des conseils pour concevoir une rénovation écologique,
- Des outils pratiques pour concevoir un projet écologique,
- Et des retours d’expérience sur les matériaux biosourcés.
Pour ne rien manquer, retrouvez-moi sur les réseaux suivants :
FAQ
C’est une démarche globale de conception qui repose sur trois piliers :
1 – Une architecture bioclimatique pour limiter les besoins en énergie.
2 – Des matériaux performants et durables.
3 – La production locale d’énergie renouvelable.
Un bâtiment à énergie positive (ou BEPOS) est une construction qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme sur une année. Cette performance est atteinte grâce à une conception bioclimatique, des matériaux performants, et le recours aux énergies renouvelables (comme les panneaux solaires).
Outre la cuisine commune de Champcevinel, de nombreux écoles, crèches, et équipements municipaux en France s’engagent dans cette voie. Ce sont des bâtiments à énergie positive exemplaires, qui prouvent que la transition énergétique est possible à toutes les échelles.
De nombreux exemples sont mis en avant avec le label BBCA, tels que l’école maternelle Vincent Auriol à Paris.
Les principes sont similaires : dans les deux cas, la construction vise à réduire la consommation énergétique tout en produisant sa propre énergie. La différence réside surtout dans l’échelle et les usages : un bâtiment public accueille du monde, avec des contraintes techniques différentes d’une maison individuelle.
Une maison à énergie positive est un logement qui produit plus d’énergie (via des panneaux photovoltaïques, par exemple) qu’il n’en consomme pour le chauffage, l’eau chaude, l’éclairage, etc. C’est une solution idéale pour réduire son empreinte écologique.
- Les champcevinellois sont les habitants de Champcevinel, charmante commune au nord de Périgueux. ↩︎
- L’appel d’offre de maîtrise d’œuvre est une procédure par laquelle un maître d’ouvrage (souvent une collectivité publique) sélectionne un architecte ou une équipe de conception pour concevoir et suivre la réalisation d’un projet de construction ou de rénovation.
Il comprend généralement la conception architecturale, les études techniques, le suivi du chantier et l’assistance à la réception des travaux. Le choix se fait sur dossier, en tenant compte de critères techniques, architecturaux et financiers. ↩︎
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